Dans le Monde ce jour, Pas question de faire l’impasse. Alors que l’arrivée du cyclone Kirk a bouleversé le programme de sa visite de quatre jours aux Antilles – les rassemblements en public ont été interdits par le préfet –, Emmanuel Macron n’a pas souhaité sacrifier la séquence consacrée au chlordécone, un pesticide toxique utilisé durant plus de vingt ans dans les bananeraies et qui a pollué pour des siècles les sols de la Guadeloupe et de la Martinique. Arrivé tard, la veille, de New York, où il participait à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU), le chef de l’Etat s’est rendu, jeudi 27 septembre, dans une ferme maraîchère de Morne-Rouge, une commune martiniquaise au pied de la montagne Pelée, où il s’est notamment entretenu avec des agriculteurs.
« La pollution au chlordécone est un scandale environnemental, a reconnu Emmanuel Macron après une courte visite sous des averses. C’est le fruit d’une époque désormais révolue, (…) d’un aveuglement collectif. » Accompagné
de la ministre de la santé, Agnès Buzyn, le président de la République a
annoncé l’ouverture d’une procédure permettant de reconnaître l’exposition au chlordécone comme maladie professionnelle. « L’Etat doit prendre sa part de responsabilité », a-t-il dit.
Concrètement,
l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et
l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de
l’environnement et du travail (Anses) devront rendre d’ici à mars 2019 un rapport permettant de dire à partir de quel niveau d’exposition les ouvriers agricoles qui furent employés dans les bananeraies pourront être
pris en charge et indemnisés. Ensuite, les partenaires sociaux devront
s’accorder sur les modalités et notamment sur le niveau de cette prise
en charge. « On ouvre un processus de reconnaissance », a plaidé M. Macron.
Par ailleurs, il a annoncé une augmentation du budget consacré aux
contrôles des aliments produits sur des terrains contaminés au
chlordécone. Celui-ci sera porté à 3 millions d’euros d’ici à 2020,
contre 2,1 millions d’euros actuellement.
En revanche, le locataire de l’Elysée a fermé la porte à l’hypothèse
d’une indemnisation générale de la population antillaise, qui a été très
largement exposée à la molécule. « Si je disais qu’on va indemniser tout le monde, c’est impossible même budgétairement et ce serait irresponsable », a-t-il
déclaré. De la même façon, il s’est refusé à reconnaître le lien de
cause à effet entre l’exposition au chlordécone et l’explosion du nombre
de cancers de la prostate en Guadeloupe et en Martinique. « Il n’y a pas aujourd’hui de preuve scientifique établie », a-t-il dit, tout en ajoutant dans un « en même temps » acrobatique : « Ce qui est établi, c’est que ce n’est pas bon. »